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Un diagnostic de TSA à partir d’une mèche de cheveux de nourrisson? Notre experte reste prudente...

Vous n’avez sans doute pas pu passer à côté. Une équipe américaine, en collaboration avec des équipes japonaises et suédoises a récemment publié un article qui a fait grand bruit dans la communauté scientifique. En effet, ils affirment avoir mis au point un outil d’aide au diagnostic précoce de l’autisme à partir de l’analyse d’une mèche de cheveux de nourrisson. Notre experte Heba Elseedy nous explique tout ça.

L’enjeu d’un diagnostic précoce

Actuellement, environ 2% des enfants qui naissent dans le monde sont porteurs de troubles du spectre de l’autisme (TSA). Il s’agit de troubles du neuro-développement apparaissant lors du développement cérébral de l’embryon. Ils ne sont souvent détectés que des années plus tard, notamment lors de l’apparition du langage et de comportements spécifiques. Pouvoir poser un diagnostic dans les premiers mois de vie, voire premières années, est un véritable enjeu car cela permet de mettre en place dès le début, une prise en charge personnalisée de l’enfant qui l’aidera à se développer dans les meilleures conditions possibles. À ce jour, le diagnostic de TSA est basé sur une étude clinique, c’est-à-dire sur l’observation du comportement du patient depuis sa petite enfance. Il ne repose donc pas sur une analyse génétique ou sur des examens biologiques. L’un des objectifs premiers de la recherche dans l’autisme est d’identifier ces marqueurs biologiques précoces qui permettraient d’orienter vers un diagnostic plus rapide.

L’origine encore floue des troubles du spectre de l’autisme

On ne connait pas exactement l’origine précise des troubles du spectre de l’autisme. Ils résultent d’une composante génétique : certains gènes ou plutôt groupes de gènes sont identifiés comme étant potentiellement associés aux TSA. Ainsi, la prévalence de personnes TSA est plus importante dans les familles où il y a déjà des personnes TSA, mais c’est loin d’être systématique. Un individu peut présenter une ou des mutations sur ces dits gènes et ne pas être porteur de troubles du spectre de l’autisme. D’autres facteurs non génétiques peuvent favoriser l’apparition de TSA comme la prématurité, l’exposition prénatale à certaines maladies ou certaines molécules toxiques…

L’étude publiée dans Journal of Clinical Medecine

Partant de ce constat, cet article propose de réaliser une analyse des composés chimiques, toxiques ou non, présents dans les cheveux ou poils de nourrissons issus de 3 cohortes de différents pays et continents : les États-Unis, le Japon et la Suède. Cette étude a mis en évidence que 81% des nourrissons présentant des taux de métaux lourds (cf image ci-dessous) dans leurs cheveux étaient finalement diagnostiqués avec un TSA à l’âge de 4 ans.

L’avis de notre post-doc Heba Elseedy

Heba fait tout d’abord remarquer que contrairement aux gros titres générés dans la presse, l’étude de la présence de substances chimiques dans les cheveux des nourrissons ne donnent aucune information directe sur le développement cérébral. Elle pourrait être une indication qu’il y a un problème et peut effectivement contribuer au faisceau d’éléments aidant au diagnostic mais ne peut pas permettre de poser un diagnostic précoce fiable avant l’âge de 4 ans.

Cette étude vient finalement confirmer l’impact de l’environnement et notamment l’exposition prénatale à des substances toxiques sur le développement de troubles du spectre de l’autisme. Ceci dit, cela n’explique qu’une partie des cas d’autisme. Nous avons vu plus haut que les TSA avaient aussi une composante génétique et que des troubles du spectre de l’autisme sont diagnostiqués chez des enfants qui n’avaient pas été exposés à ce type d’environnement nocif.

D’autre part, il n’est jamais précisé dans l’article quels éléments chimiques précis ont servis de marqueurs dans cette étude et comment ils arrivent à leurs conclusions. En effet, dans la figure ci-dessus, il est fait mention de dosage d’une quinzaine d’éléments comme le zinc, le cuivre, le soufre, le plomb, le cuivre, l’aluminium etc… Mais on ne sait pas comment ils ont analysé ces dosages : est-ce la présence de l’intégralité de ces marqueurs ou seulement une combinaison – et si oui, laquelle – qui permet de conclure que ces enfants ont été exposés à un environnement toxique ? Quid des éléments chimiques non toxiques présent dans l’analyse, quelle est la finalité de les présenter dans l’étude ? S’agit-il de montrer que la dérégulation de ceux-ci favorise un développement cérébral neurotypique ? Ces informations ne sont pas précisées.

Heba nous explique aussi que le fait de faire cette étude sur des populations de différents continents est très intéressante d’un point de vue scientifique. En revanche, les caractéristiques des cheveux utilisés sont différentes d’un pays à l’autre et l’étude n’indique pas si le protocole d’ablation et d’analyse a été adapté en fonction. En effet, un laser a été utilisé pour recueillir les cheveux. Est-ce que les paramètres du laser ont été modulés en fonction des caractéristiques du cheveu ou est-ce que ce procédé a été exécuté de façon standard sur tous les échantillons ? Cela n’est pas précisé.

Enfin, et c’est d’ailleurs mentionné en fin d’article, il faudrait refaire l’étude en répétant ces prélèvements à plusieurs reprises (au moins une fois par an) pour observer la durée de la présence (on parle de stabilité dans l’article) de ces éléments chimiques dans les cheveux sur le long terme ce qui confirmera l’impact de ces produits chimiques dans les TSA (biomarqueurs).

Heba conclut en soulignant que l’étude comporte quelques failles mais elle est néanmoins intéressante, en particulier grâce à cette technique d’analyse sur les cheveux ou poils de nourrissons. Cela permet d’acquérir certaines données précieuses, dès le plus jeune âge, de manière non invasive et parfaitement indolore pour les nourrissons. En outre, elle préconise d’effectuer une recherche sur les gènes qui codent pour la plasticité neuronale et la neurotransmission qui sont souvent liées aux troubles du neuro-développement. Cela permettrait de faire le lien entre les éléments chimiques mentionnés et le développement cérébral et de traiter les enfants à un âge précoce, lorsque la neurogenèse est encore présente.