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par Raphaele von Koettlitz le 01/10/2021

La personne dans sa globalité : comorbidités et santé mentale

De très nombreuses personnes avec des troubles du neuro-développement présentent plusieurs troubles qui se chevauchent ; dans le jargon médical, on parle de « comorbidité ». Ce mois-ci sera donc consacré à l’exploration de ce sujet important. Nous avons lancé un questionnaire afin de mieux comprendre les problèmes auxquels les personnes sont confrontées lorsqu’elles cherchent un diagnostic, un accompagnement approprié et vivent avec des troubles multiples. 

Qu’est-ce qu’une comorbidité ?

A drawing of a Roman lying on his sofa with a glass of wine explaining the etymology of comorbid

Alors, que signifie concrètement le terme « comorbidité » ? Le mot comorbidité vient de la famille du mot latin « morbus », qui veut dire maladie. Le préfixe « co » veut dire ensemble et donc exprime une idée de simultanéité, de concomitance. Comorbide signifie donc la coexistence de plusieurs maladies ou troubles.

Il est extrêmement fréquent que plusieurs troubles du neuro-développement coexistent. Une grande proportion de personnes en présentent au moins deux simultanément. Par exemple, dans près de 40% des cas, un enfant concerné par un trouble spécifique des apprentissages présente plusieurs troubles. Idem, si l’on prend l’exemple des TSA, 30 à 40 % des personnes autistes ont aussi un trouble du développement intellectuel, 40 à 60 % un trouble spécifique d’une fonction cognitive (praxies, langage oral, fonctions attentionnelles) et 10 à 15 % une épilepsie.

Des besoins nuancés

Lorsqu’on évalue les besoins des personnes présentant des troubles du neuro-développement et qu’on les accompagne, il est donc essentiel de les considérer dans leur globalité. En effet, différents obstacles peuvent se superposer et potentiellement masquer d’autres troubles moins prononcés ou reconnaissables. Une personne a témoignée,

Un petit bonhomme perdu avec les tas de papiers derriere lui

“Les maladies mentales sont encore trop stéréotypées, il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire quant à l’impact réel sur le quotidien et les manifestations chez les personnes concernées. Je suis par exemple autiste sans déficience intellectuelle, et cela fausse l’évaluation de mon manque d’autonomie lorsque je me retrouve à demander de l’aide à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), car je m’exprime plutôt bien et que j’ai un travail, par exemple ; de l’extérieur, on saisit difficilement toutes les étapes d’angoisse/de stress qui précèdent ou interviennent au courant d’une journée de travail, par exemple. Je tourne en rond dans mes procédures administratives car, soit on prend en compte mes troubles neuro-développementaux, soit on prend en compte mes troubles psychiques, mais pas les deux à la fois : la thématique des comorbidités est souvent éludée.”

Diagnostiquer des troubles multiples

Sur les 65 personnes qui ont répondu à notre questionnaire, seuls 12% ont trouvé le processus facile pour avoir un ou plusieurs de leurs troubles diagnostiqués. Les autres ont rencontré des difficultés à des degrés divers, et 14% n’ont même pas réussi à obtenir un diagnostic. De nombreuses personnes ont cité des problèmes tels que,

“Difficultés pour trouver un spécialiste et longue liste d’attente. Devoir toujours tout répéter. Avoir l’impression de mendier alors qu’on veut juste la paix, le respect et les soins (trucs, améliorations, qualité de vie)”

Un grand nombre de personnes sont confrontées à un diagnostic erroné et tardif, surtout les femmes, les personnes de couleur et les personnes issues de  milieux socio-économiques défavorisés. Cela peut être dû au fait que les symptômes se présentent différemment chez les hommes et les femmes et aux idées fausses largement répandues sur l’archétype de la personne autiste. Il peut également s’agir d’un processus long, coûteux et laborieux, dans lequel il peut être difficile de naviguer. Dans une étude récente, 48 % de personnes ont dû attendre plus d’un an pour obtenir un diagnostic d’un trouble du neuro-développement.

“[J’ai eu un] Diagnostic TSA tardif, c’est-à-dire en 2020, alors que j’avais déjà 33 ans. Ceci a marqué la fin d’un parcours du combattant sur le plan médical, et le début d’un nouveau combat sur le plan administratif.”

Troubles neuro-développementaux et santé mentale

La santé mentale est aussi un sujet d’importance chez les personnes porteuses de  troubles du neuro-développement. L’anxiété, le stress et la dépression sont particulièrement prononcés en raison de facteurs tels que l’isolement social, le harcèlement, la douleur, la fatigue extrême liée à l’hypersensorialité, la surcompensation et aux stratégies de camouflage. Parmi les participants de notre enquête, 73 % constatent qu’il y a un lien direct entre leurs troubles et leur santé mentale. En outre, comme pour la population générale, 72 % ont révélé que leur santé mentale s’est dégradée pendant la pandémie et les confinements successifs. Cela était dû en grande partie à des facteurs tels que :

Une fille qui se serre la tête en signe de désespoir, avec des tourbillons de confusion autour d'elle.

  • Une perturbation des rituels et de la routine
  • Une perte de repères
  • Accès aux soins ‘non vitaux’ arrêtés
  • Suspension du processus d’évaluation diagnostique des troubles du spectre de l’autisme
  • L’isolement, contact réduit avec les proches
  • Le ton alarmiste et/ou culpabilisant dans les médias
  • Burn out/ changements au travail/ difficultés dans le recherche d’un emploi 
  • Les règles changeantes, floues et difficiles à interpréter 
  • Privation de loisirs

Cependant, tout ne fut pas si négatif. La réduction des obligations sociales a été un soulagement pour beaucoup. Une personne nous a confié qu’elle avait vécu le confinement , “Étonnamment bien, j’ai pu me poser, me recentrer, cela a été une période d’une incroyable douceur”. Le fait de rester en contact à distance a atténué l’anxiété de nombreuses personnes et a permis à certains de participer davantage à la vie sociale d’une manière qui leur convenait mieux. 

“Les confinements successifs me convenaient très bien. Les cours à distance m’ont montrés que j’étais capable – dans un environnement safe pour moi – de réellement apprécier les cours ainsi que de développer mes capacités de travail (et donc mes notes)”

On peut donc noter que la pandémie a eu certains impacts positifs dans la vie quotidienne et professionnelle ce qui a permis une meilleure accessibilité, ce que nous pourrions et devrions maintenir afin d’être inclusifs pour tous. 

Une chose que la pandémie nous a apprise, c’est que la santé mentale est une préoccupation prioritaire pour tous, en particulier pour les personnes ayant des troubles du neuro-développement. C’est pourquoi des initiatives comme Les Semaines d’information sur la Santé Mentale (SISM) sont si nécessaires, pour souligner pourquoi nous devons continuer à parler de la santé mentale. Les SISM se déroulent à partir du 4 – 17 octobre 2021.

Rejoignez-nous donc ce mois-ci pour mieux comprendre les nuances des comorbidités et leur impact sur la santé mentale. Nous parlerons de la douleur, des troubles du sommeil, des troubles des conduites alimentaires (ou troubles des comportements alimentaires), mais aussi de TDAH, d’épilepsie, des troubles DYS et de dépression périnatale.

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