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1er congrès sur la Pair-Aidance Familiale Professionnelle

Présentation

Rejoignez-nous le 3 juin 2024 pour le 1er congrès sur la Pair-Aidance Familiale Professionnelle, co-porté par le Réseau Génopsy et iMIND!

Lors de cette journée, vous aurez l’opportunité d’explorer divers aspects de ce métier, notamment son intégration dans les équipes de soins, son rôle dans l’accompagnement des familles sur le long terme, et son impact dans l’animation de groupes de psychoéducation.

Des présentations, des témoignages et des échanges viendront enrichir la compréhension de la pair-aidance familiale professionnelle, mettant en lumière son potentiel pour améliorer le bien-être des aidants familiaux et des personnes en situation de vulnérabilité.

Programme

Informations pratiques

  • Date: lundi 3 juin
  • Lieu: Amphithéâtre du Vinatier – bâtiment 416, 2ème étage
  • Inscription

21/12/21, par Jennifer Beneyton

De l’importance de la neurodiversité en milieu professionnel : le cas de Renault Trucks Europe

Franck Gillet est responsable RH pour Renault Trucks Europe. En 2019, il a recruté Bakay Fofana, un jeune apprenti autiste pour un contrat d’un an. Il nous raconte avec sincérité sa première réaction, sa collaboration avec Bakay au quotidien, et finalement le bilan très positif de l’expérience.

Pouvez-vous nous raconter comme s’est passé le recrutement de Bakay ?

Franck Gillet: Renault Trucks s’engage depuis des années à faire évoluer ses pratiques vers plus d’inclusion. Cela se matérialise par exemple par un handi’accord que nous faisons en sorte de renouveler tous les 4 ans. Nous sommes d’ailleurs en train de le faire actuellement.

Il se trouve que je cherchais un apprenti pour le service RH. Nous en accueillons régulièrement. Notre référente handi’accord m’a informé de la candidature d’un jeune homme autiste du nom de Bakay. Très honnêtement, ma première réaction a été plutôt tiède à l’époque. Mais en étant RH, je connais aussi la difficulté de trouver des profils qui peuvent convenir. J’ai donc convoqué Bakay pour un entretien, au même titre que les autres candidats et c’est finalement lui que j’ai retenu car c’est lui qui correspondait le mieux au poste. J’avais besoin de quelqu’un qui parle anglais et qui soit compétent dans le traitement de données. Le lieu d’exercice était très calme et isolé, ce qui collait parfaitement avec sa particularité. C’était donc la candidature parfaite pour le poste. On sentait aussi de sa part une réelle motivation pour le poste, ce qui n’est pas le cas de tous les candidats, croyez-moi !

Beaucoup de caractéristiques des personnes autistes peuvent se révéler être de vraies compétences. Comment s’est passé son intégration chez vous ?

FG: Son intégration s’est faite de façon classique, sauf que nous avions un interlocuteur privilégié en plus de l’école : le SESSAD Les passementiers. Grâce aux conseils de Monsieur Allouche et de sa collègue qui avaient soulevé quelques points de vigilance dans la façon de travailler avec des personnes TSA, nous avons particulièrement porté notre attention sur le fait de mettre les consignes par écrit. Cela demande un petit effort de rigueur et de transparence mais ce n’est pas une mauvaise chose finalement. J’ai uniquement informé mon équipe proche du fait que Bakay était autiste, pour les sensibiliser à certains points, en dehors de cela, j’ai normalisé sa présence auprès des collaborateurs plus éloignés.

Comment s’est passé la collaboration avec lui ?

FG: Tout s’est très bien passé ! Comme nos bureaux étaient proches physiquement, cela permettait d’échanger régulièrement. Je veillais à faire des points fréquemment pour savoir où il en était, s’il y avait des points de blocage, s’il fallait que je réexplique…, mais de la même manière que je le fais avec les autres apprentis. Bakay est quelqu’un d’extrêmement réactif, quand je lui demandais quelque chose, c’était toujours fait très rapidement et avec le résultat, pourvu qu’il ait bien compris ce qui était attendu. Il prenait en main les choses, il passait les coups de fil si nécessaire, y compris en anglais puisque c’était une condition pour le poste. Il était volontaire et à l’aise pour le faire.

J’ai calibré les activités de façon progressive pour ne pas qu’il se sente trop débordé au début. Je l’ai fait aussi travailler sur des sujets plus en profondeur, que nous avons abordé par étape et ça a très bien marché aussi.

J’ai aussi écarté certaines activités de ses missions car elles n’étaient pas compatibles avec sa manière d’être. Par exemple, les réunions se sont révélées plus compliquées que prévu. Écouter sans rien faire, c’était difficile pour lui. Il passait la réunion sur son téléphone, au vu et au su de tout le monde. En réunion de service, ça peut passer, mais lorsque nous sommes avec des personnes extérieures, c’est plus délicat. Par la suite, je lui ai proposé de ne plus venir et je lui faisais un résumé des points les plus importants et ça lui convenait mieux.

Cet encadrement un peu plus personnalisé que vous avez mis en place pour Bakay a-t-il été coûteux en temps pour vous ?

FG: Pas tellement plus que pour d’autres apprentis. Nous parlions aussi beaucoup des comportements sociaux et des attitudes à avoir dans le cadre professionnel. Il ne savait pas s’il devait sourire, pas sourire, quoi dire à la machine à café etc… Donc effectivement il a fallu prévoir un peu de temps pour ça, mais c’est aussi le travail d’intégration qu’on doit faire pour tout nouvel arrivant. Certaines personnes n’ont pas les bons codes sociaux non plus, et pourtant elles ne sont pas spécialement porteuses de troubles du neuro-développement.

À côté de ça, j’ai beaucoup apprécié la façon dont il s’est comporté tout au long de sa présence avec nous. Il respectait parfaitement ses horaires, il me prévenait quand il était en retard, ce que ne font pas tous les apprentis. On dit souvent que c’est une question de génération, qu’il faut qu’on s’adapte… Eh bien, pas forcément ! Il a une personnalité très attachante, quand on discutait de sa vie plus personnelle, de sa famille etc… Nous avons tissé des liens comme je les tisserais avec d’autres collègues.

Quel bilan faites-vous de cette expérience ?

FG: Il est positif mais frustrant car nous n’avons pas pu mener l’alternance jusqu’au bout (COVID oblige). J’ai essayé de rester en contact avec lui autant que possible et j’ai assisté à sa soutenance. Il s’en est sorti de façon honorable par rapport aux attendus. Il n’a pas fait plus d’erreur que d’autres étudiants que j’ai pu recevoir.

Vous disiez que votre première réaction avait été plutôt tiède. Est-ce que votre regard a changé maintenant sur les personnes TSA ?

FG: Oui, absolument. Dans mon entourage, je connais des personnes en situation de handicap. Je suis plutôt sensibilisé à cette question, mais je ne m’étais jamais posé la question de leur insertion dans le milieu professionnel. Et je pense que comme beaucoup de gens, j’avais des préjugés qui ont été déjoués. Le regard change. L’intervention du SESSAD a été primordiale car cela a permis d’aider à l’accueil, à ma compréhension du fonctionnement de Bakay et de ses besoins. Nous étions en lien de temps en temps, nous avons fait un bilan de mi-parcours pour parler de son adaptation.

Depuis le passage de Bakay, avez-vous eu l’occasion de recruter d’autres personnes neuro-atypiques ?

FG: Pas à ma connaissance. Mais l’entreprise est grande donc c’est possible. Je suis sûre que parmi nos collaborateurs, il y a des personnes porteuses de troubles du neuro-développement. Dans le cadre de notre handi’accord, nous travaillons beaucoup sur le maintien dans l’emploi. Nous proposons des aménagements de postes de travail pour les personnes déficientes visuelles et auditives. Nous offrons les aménagements nécessaires, des journées pour les rendez-vous médicaux ou les renouvellements RQTH. Nous pouvons aussi prendre en charge l’aménagement des véhicules personnels si nécessaire, etc…. Nous essayons d’instaurer un climat de confiance pour que nos collaborateurs se sentent libres de parler des obstacles qu’ils rencontrent. Nous essayons en retour de les aider à vivre leur emploi le plus normalement possible.

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« Donnez-moi le manuel ! » : les ateliers d’accompagnement professionnel pour les personnes autistes

Jessica et Gaston viennent de lancer un premier cycle d’ateliers d’accompagnement professionnel basé sur les principes de l’éducation populaire, à destination des personnes autistes en situation d’employabilité. Le principe est simple, au terme d’une réflexion collective, chacun repart avec une feuille de route visant à mettre en place les aménagements nécessaires à un meilleur épanouissement sur leurs lieux de travail. Nous en avons profité pour en savoir davantage sur leurs expériences propres, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il y a encore du travail pour rendre le monde professionnel plus inclusif…

Pouvez-vous vous présenter ?

Jessica : Je m’appelle Jessie, j’arrive sur la quarantaine et depuis 2019 je suis l’administratrice du groupe Facebook Café Adulte Autiste Lyon, un groupe d’entraide pour les personnes autistes. J’organise, entre autres, des rencontres entre les membres du groupe. Depuis que je suis petite, on me dit que je suis bizarre. J’ai occupé divers emplois pendant 16 ans. On me disait que je travaillais bien mais que je n’arrivais pas à m’intégrer. En 2017, j’ai eu un grave accident qui m’a mis sur le chemin du diagnostic pour mon TSA.

Gaston : Je m’appelle Gaston. Je fais des études en sociologie et en psychologie et je suis actuellement en sciences de l’éducation. J’ai été repéré par des amis comme neuroatypique en auto-diagnostic collectif. Je n’ai pas encore fait les démarches pour aller voir un psychiatre. Je suis rentré en contact avec Jessie car nous sommes tous les deux militants et nous sommes rencontrés dans des lieux alternatifs et au cours de manifestations.

Vous venez de lancer des ateliers professionnels pour aider les personnes autistes à accéder au monde du travail et à s’y maintenir. Comment vous est venu l’idée ?

Jessica : Au fil de mes échanges avec les membres du groupe Facebook, j’ai réalisé que la question des conditions de travail était au centre de nombres de conversations. Certes, nous n’avons pas tous les mêmes difficultés, mais nous pouvons nous questionner tous ensemble sur les améliorations à apporter à notre cadre professionnel. Nous avons la RQTH, nous avons des droits, nous pouvons travailler sur la question des aménagements et mettre en avant des outils pour se sentir mieux dans l’entreprise. Il est donc important de connaître les différentes options disponibles et de mobiliser le soutien et les stratégies qui conviennent à chaque personne pour maximiser l’inclusion sur le lieu du travail. J’en ai parlé avec Gaston, qui m’a aidé à poser le cadre de ce projet d’ateliers d’accompagnement professionnel.

Gaston : Je suis animateur en éducation populaire au sein de l’association Lyon à Double Sens. C’est une philosophie qui date d’avant la Révolution française et qu’on peut définir comme l’éducation du peuple, par le peuple, pour le peuple. On prend en compte la parole de chacun au même niveau, peu importe le statut social, professionnel, l’âge, etc… Parmi mes sujets de militantisme et au sein des ateliers que j’anime, la question du travail revient régulièrement : comment on agence sa vie, comment on gère la hiérarchie ou l’horizontalité. La question de l’autonomie est aussi centrale : à quel point on la laisse, à quel point on la prend. Jessie m’a parlé de son idée et elle connaissait mes compétences d’animation, elle m’a donc proposé de m’associer à ce projet.

 

Quel est le principe de ces ateliers ?

Jessica : Nous proposons donc à un groupe d’une dizaine de personnes autistes de se réunir pendant 2h pour mettre en commun les besoins et aménagements nécessaires pour améliorer leur expérience en milieu professionnel. Ce sont plutôt des personnes qui sont en emploi, dont le diagnostic TSA a été établi mais qui n’arrive pas à communiquer efficacement leurs besoins à leur employeur ou parfois qui ne les ont pas bien identifiés. Souvent leurs besoins ne sont pas pris au sérieux car ils ont leurs deux bras, leur deux jambes etc… leur handicap est invisible. À l’issue de cette réflexion commune, chacun repart avec une feuille de route adaptée à son cas. Nous espérons effectuer un suivi à 6 mois afin de voir comment les participants ont pu négocier avec leurs employeurs. Nous avons eu notre dernier atelier le 19 novembre au Vinatier. Pour les prochains, vous pouvez devenir membre du groupe Facebook Café autistes adultes à Lyon.

De gauche à droite: Jessica, Gaston, Aurélia, Christophe et Véronique

Comment qualifieriez-vous vos expériences passées dans le monde professionnel ?

Jessica : Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela a toujours été compliqué. Avant d’être diagnostiquée, j’ai travaillé pendant seize ans, mais dans quinze entreprises différentes. Ma plus longue période dans la même entreprise c’est trois ans et demi. Ma dernière expérience s’est mal finie. À la suite de mon accident en 2017, j’ai été en arrêt par intermittence sur une longue période. Il m’était impossible de me concentrer à cause de l’intensité de mes douleurs. Mais comme je ne les manifestais pas de façon visible mes collègues m’ont reproché de simuler. Au bout d’un certain temps, même mon médecin s’y est mis. J’ai dû retourner au travail malgré les douleurs. C’est finalement un responsable d’un autre service qui m’a amenée aux urgences d’un hôpital privé à la suite duquel, j’ai été renvoyée vers un spécialiste dans une autre clinique. Son constat était sans appel : nerfs sectionnés et écrasement des parties molles du pieds. J’ai été finalement arrêtée un an et huit mois en tout pour soin et rééducation alors que personne ne m’avait prise au sérieux.

De toute façon, cela se passait mal. Lors d’une discussion un peu houleuse avec mon responsable de l’époque, il m’a poussé à plusieurs reprises. Après cet évènement, plus personne ne me parlait. Nous avons donc convenu de faire une rupture conventionnelle.

Parmi les collègues que j’ai eus, certains me trouvaient drôle, d’autres ne pouvaient pas me sentir. Les small talks m’ont toujours posé problème. Quand les collègues critiquaient d’autres collègues, ça ne me convenait pas du tout, et je le faisais savoir. Du coup je devenais critiquable. J’ai souvent eu des frictions avec mes responsables qui pensaient que je les prenais de haut alors que pas du tout. Je posais des questions de façon tout à fait naïve mais elles étaient interprétées comme insolentes.

Je me souviens d’une fois où il avait fallu réorganiser l’open space. J’ai demandé à être plus à gauche avec une fenêtre dans le dos car j’avais besoin de luminosité. On m’a mis à l’opposé, dos au couloir, avec des gens qui passaient toute la journée derrière moi et juste à côté de l’espace de pause ce qui fait que j’avais constamment du bruit autour de moi. Lorsque j’étais en communication téléphonique avec des clients, il arrivait souvent que je n’entende pas ce qu’ils me disaient. Je leur demandais donc d’interrompre et de poursuivre par email. Mes collègues m’ont fait remarquer que c’était malpoli. Or, mes clients appréciaient beaucoup mon travail, j’ai toujours eu de bons échos de leurs parts.

Parfois, pendant ma journée de travail, si c’était trop dur, j’allais me réfugier dans les toilettes pour faire un exercice de sophrologie. On m’a déjà reproché d’aller trop souvent aux toilettes. Il y a tellement de choses à dire…

Gaston : J’ai beaucoup moins travaillé que Jessica. J’ai la trentaine, je souffre de dépression chronique. Au sortir de mes études, j’ai été malade pendant longtemps. J’ai eu deux expériences professionnelles qui se sont mal terminées. D’abord, j’ai été technicien propreté dans un centre de vacances. Mes collègues ne comprenaient pas du tout que j’ai besoin de m’isoler après une session de travail collectif. Eux, ils voulaient boire des bières, socialiser.

L’autre point de dissension avec mes collègues c’est que j’ai découvert que j’avais beaucoup de problème avec les conversations phatiques, c’est-à-dire qui ne menaient à rien. Les journées se ressemblaient, on n’avançait pas et ça ne me convenait pas du tout.

L’autre expérience c’était en tant que surveillant dans un collège. J’ai appris que j’étais évalué derrière le store du bureau, à mon insu. Ça m’a mis dans une rage folle. Je me suis senti piégé. J’ai envoyé un email à ma CPE, je ne suis pas revenu. On m’a dit que je ne m’étais pas bien intégré dans l’équipe et que mon attitude vis-à-vis des jeunes n’était pas appropriée. Avec mon expérience d’éducation populaire, j’ai écouté les jeunes d’égal à égal. J’allais dans les classes d’exclusion ou les salles de colle, c’était le seul lieu où j’avais le droit de m’adresser aux jeunes sans passer par les codes qui m’étaient imposés par ma fonction. Et nous avons eu des conversations passionnantes, certains me décrivaient Michel Foucault dans le texte, sauf qu’ils ont 11 ans et qu’ils ne connaissent pas Michel Foucault, mais ils parlent de l’oppression de l’institution et de ce que ça les amène à faire dans leur vie (violence, drogue, fugue etc…). Quand je faisais remonter ça à ma direction, personne n’écoutait.

Actuellement, en dehors de mes activités associatives et militantes, je travaille dans un bar, je fais des extras. Je n’ai pas encore eu besoin de dire que je suis neuroatypique. Je vais le faire car mon contrat doit être pérenniser, mais je sais que dans l’équipe, il y a déjà plusieurs personnes neuroatypiques avec certains aménagements qui ne sont pas suffisants mais qui ont le mérite d’exister. D’autre part, c’est une SCOP donc il n’y a pas d’organisation hiérarchique, on ne peut pas m’imposer d’implicite aussi facilement que dans une entreprise typique.

La hiérarchie impose de l’implicite ?

Gaston : C’est le principe de la culture standard. La culture fonctionne toujours sur des implicites. La culture majoritaire impose les siens. Au-delà des implicites, il s’agit de savoir ce qu’on a le droit de questionner et ce qui est tabou. Avec d’autres adultes neuroatypiques, nous avons ce vécu commun de se dire dès le collège « visiblement, je ne me comporte pas correctement, mais donnez-moi le manuel et je me comporterai correctement ». Ce à quoi on nous rétorquait qu’il n’y avait pas de manuel et que chacun se comportait comme il l’entendait. Mais ce n’est pas vrai. Plus on vieillit, plus on a de l’expérience, on se fait même des « cours » entre neuroatypiques.

Jessica : Au fil de mes entretiens, en observant les recruteurs, je me suis rendue compte qu’ils crispaient certaines zones de leur visage en fonction de ce que je disais. C’est comme ça que j’ai compris qu’il valait mieux passer sous silence certaines choses. Je me suis rendue compte qu’il ne fallait pas que je dise tout, mais comment savoir ce qui est socialement acceptable ? Comment savoir à qui on peut tout dire et à qui on doit omettre certaines informations ?

Ressources :

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Par Raphaele von Koettlitz le 18/11/2021

InDYSpensable - “Recruter et travailler autrement"

“Qu’est-ce qui nous échappe lorsque nous jetons un CV à la poubelle à cause de fautes d’orthographe ?”, demande Laurence Gattini du MEDEF Auvergne Rhône-Alpes, qui coordonne le projet InDYSpensable avec Fabienne Descours Fayolle du Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes. Laurence Gattini remarque que certains employeurs et recruteurs passent à côté de masses de talents lorsque les décisions d’embauche sont prises sur la base d’une vision normative, limitant le champ des possible et rendant invisible les compétences d’une personne.

Ce projet innovant vise à montrer aux employeurs qu’embaucher des personnes avec des troubles DYS peut être avantageux et révéler des talents souvent exclus du marché du travail.

Quel est le projet ?

Lancé fin mars 2021, InDYSpensable est une expérimentation en Auvergne Rhône-Alpes à multiples facettes dont le but est d’augmenter le nombre de personnes avec des troubles DYS sur le lieu de travail et de faire tomber les préjugés les concernant.

Les personnes ayant des différences au niveau de l’apprentissage, qui représentent d’ailleurs environ 10% de la population générale, peuvent avoir des difficultés avec certains processus, mais peuvent être douées à bien d’autres égards. On peut par exemple citer leur capacité à trouver des solutions, à s’adapter et à rebondir. Elles ont souvent une bonne appréhension de l’espace et démontrent des qualités relationnelles et communicationnelles.

L’objectif d’inDYSpensables est de munir ces personnes d’outils et d’estime de soi nécessaires à leur épanouissement et de montrer aux employeurs quelles sont leurs compétences et non pas leurs difficultés.

“Apprendre autrement, recruter autrement, intégrer en entreprise autrement et maintenir l’emploi autrement. C’est ça le sujet d’InDYSpensable.” explique L Gattini.

Actuellement, 11 centres en Auvergne Rhône Alpes participent au programme ; 5 agences Pole Emploi et 6 sites Missions Locales. Le projet est le fruit d’un travail collectif issu d’un consortium porté par le MEDEF Auvergne Rhône-Alpes et Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes et constitué des experts pluridisciplinaires et complémentaires, parmi lesquels nous trouvons :

  • AtoutDys – formation, sensibilisation et professionnalisation des professionnels sur les questions des troubles DYS
  • Anne-Sophie RIOU, orthophoniste et docteure en science cognitive, avec une expertise dans les troubles DYS
  • Marion RANVIER, Directrice de Contentsquare Foundation, spécialiste de l’outil numérique adapté et de l’accessibilité digitale
  • Benjamin PARMENTIER, de Cohérence Consultant, ingénieur et consultant en pédagogie et management,
  • Annick VIDAL de Diffessens, formatrice spécialisés dans les troubles DYS entre autres

Quelle est la cible ?

Développé dans le cadre du Plan d’Investissement des Compétences (PIC), ce projet s’inscrit dans l’axe d’innovation pédagogique. Il vise les publics ‘invisibles’ ou éloignés du marché du travail qui présentent des troubles DYS.

Il s’agit notamment de jeunes âgés de 16 à 29 ans qui ont quitté l’école prématurément. On observe d’ailleurs une grande proportion de personnes avec des troubles DYS parmi les jeunes en décrochage scolaire. Cela signifie souvent qu’ils sont moins qualifiés, voire non qualifiés.

Il n’est pas nécessaire d’avoir une reconnaissance administrative de handicap (RQTH) ni un diagnostic formel d’un trouble DYS pour intégrer le programme :

« Nous souhaitons garder une posture extrêmement inclusive et ne pas rentrer sur le volet du handicap, ou en tout cas pas exclusivement sur le volet du handicap, sinon on risque d’exclure tous les autres qui ne voient pas leur trouble sous ce prisme” dit Laurence Gattini.

“On ne parle pas du handicap, mais plutôt de la diversité et de l’inclusion”

Comment sont identifiés les participants ?

L’orthophoniste du consortium est allée en immersion auprès des Pôles Emplois et des Missions Locales ainsi que les prestations d’emploi du Pôle Emploi, pour réaliser un audit visant à mettre en lumière les aspects DYS-friendly et non DYS-friendly des processus tels que l’inscription ou les entretiens avec les conseillers. Ce même travail immersif va être effectué pour les prestations des Missions Locales.

Ces constats de terrain ont permis d’élaborer un questionnaire de repérage afin de mieux identifier les demandeurs d’emploi qui sont potentiellement porteurs de troubles DYS. Il ne s’agit bien évidemment pas de diagnostiquer, mais d’adopter une grille de lecture lors d’un entretien, qui envoie des signaux d’alerte.

En effet, les questions ouvertes sur le travail, les loisirs, les intérêts, les challenges, l’expérience scolaire, etc révèlent énormément d’information utile qui aide le conseiller à mieux cibler les motivations et les forces de la personne. Très souvent, les compétences non-techniques ou ‘soft skills’, voire « mad-skils » (les passions, hobbies…) peut-être celles développées en dehors du travail ou l’école, ne figurent pas dans un CV.

Après cela, ils peuvent élaborer un plan d’accompagnement collaboratif qui sera le mieux adapté aux besoins et aux ambitions spécifiques de la personne.

Quel soutien est proposé ?

Le programme s’articule autour de plusieurs axes d’inclusion : le repérage et l’accompagnement des personnes DYS jusqu’au maintien dans l’emploi, l’innovation pédagogique, la formation/sensibilisation des entreprises et de l’écosystème partenaire (emploi, formation, insertion…).

Pour les individus, un accompagnement modulaire et individualisé est proposé, leur permettant d’affiner leurs objectifs professionnels, d’accéder à l’emploi qu’ils ont choisi et d’y rester. L’accent est mis sur l’apprentissage par immersion en entreprise.

Pour les entreprises, les recruteurs et les conseillers Pôle emploi, des formations d’une demi-journée sont dispensées par Nicole Philibert d’AtoutDys, afin qu’ils puissent mieux répondre aux besoins des personnes porteuses de troubles DYS.

Les formations/sensibilisations donnent aux employeurs des conseils pratiques pour rendre leurs processus de recrutement et leur environnement de travail plus accessibles aux personnes avec les troubles DYS.

Vers un monde du travail plus inclusif ?

Laurence Gattini explique que l’inclusivité repose souvent sur la volonté d’être inclusif, “on est inclusif si on le souhaite ». En effet, si une personne est prête à adapter son style de communication ou à prêter attention à l’accessibilité des documents qu’elle crée par exemple, le reste peut potentiellement suivre, en tout cas cela crée une première ouverture vers l’inclusion.

Le projet InDYSpensable est une expérimentation qui sera évaluée fin 2022, avec un souhait collectif de pouvoir l’essaimer par la suite et/ou pouvoir modéliser une adaptation pour d’autres publics que les DYS.

Nombreuses sont les personnes qui souffrent d’un manque d’accessibilité dans la sphère professionnelle, c’est pourquoi il est primordial que des projets comme celui-ci existent. Grâce à une sensibilisation accrue, des changements de culture et des adaptations, nous pouvons éliminer les barrières inutiles qui empêchent de nombreuses personnes talentueuses de travailler. Nous suivrons de près la suite du projet !

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Rendre l'emploi accessible à toutes et à tous

Ce mois-ci, on va s’intéresser à l’accès au monde du travail pour les personne en situation de handicap, plus spécifiquement les personnes porteuses de troubles du neuro-développement.

Un lieu de travail inclusif

Le travail fournit à une personne un revenu mais aussi un cadre qui structure sa vie et, dans de nombreux cas, il permet de se sentir “utile” à la société. Le fait de travailler peut également apporter de nombreux avantages en termes de liens sociaux, d’apprentissage, et de stimulation. 

Cependant, en raison des diverses problématiques liées à l’accessibilité et à l’inclusion, les personnes en situation de handicap sont souvent exclues du monde du travail: à l’heure actuelle,  elles sont deux fois plus susceptibles d’être au chômage. 

Il faut se demander pourquoi, et quelles en sont les ramifications. Au cours du mois, on cherchera donc à répondre à des questions telles que : 

  • À quoi ressemble un lieu de travail inclusif ? 
  • Quels sont les principaux obstacles que les personnes neuroatypiques rencontrent sur leur lieu de travail ? 
  • Que perd la société en excluant les talents des personnes neuroatypiques ?
  • Comment pouvons-nous repenser les démarches intégrales pour trouver et conserver un emploi afin qu’elles soient accessibles ?

Handicap et emploi, où en est-on ?

En 2018 en France, 2,8 millions de personnes étaient titulaires d’une reconnaissance administrative de handicap (RQTH) soit 7% de la population âgée de 15 à 64 ans, comme représenté ci-dessous . 

Cette reconnaissance permet de bénéficier de différentes mesures pour accéder à l’emploi (obligation d’emploi, accès facilité à la fonction publique, formation…) ou pour le conserver (aménagement horaire et du poste de travail). 

Les titulaires d’une RQTH sont cependant beaucoup plus souvent inactifs que le reste de la population (57% contre 28%), et ceux qui sont actifs sont plus souvent au chômage : 36% des bénéficiaires d’une RQTH sont en emploi contre 65% pour l’ensemble de la population en âge de travailler.

Pourquoi les personnes en situation de handicap sont-elles moins souvent en emploi ?

Il existe de nombreux facteurs systémiques et structurels qui font que les personnes en situation de handicap sont souvent exclues du lieu de travail. Cela va de l’obtention d’un emploi à son maintien. Voici quelques-unes des principales raisons :

  • Faible accessibilité : Selon Pôle emploi, plus de la moitié des établissements qui accueillent le public ne sont pas accessibles aux personnes en situation de handicap.

Il s’agit bien sûr d’adaptations de l’environnement de travail allant au-delà de celles dont ont besoin les personnes à mobilité réduite. Pour rendre un lieu de travail accessible, il faut aussi penser aux aspects sensoriels, par exemple le bruit, l’éclairage et l’aménagement du lieu.

  • Niveaux de qualification inférieurs : plus d’une personne en situation de handicap sur deux n’a pas le bac.

Le manque d’inclusion dans le système éducatif a un impact réel sur le parcours de vie et les possibilités d’emploi de personnes neuroatypiques et/ ou en situation de handicap.

  • Une discrimination persistante : la moitié des personnes en situation de handicap declare avoir été discriminées dans l’emploi.

Cela va des préjugés à la stigmatisation, en passant par le harcèlement et les brimades. Cela peut également signifier ne pas obtenir un emploi en raison de stéréotypes ou idées reçues sur les capacités d’une personne en situation de handicap.

Un zoom sur les obstacles rencontrés par les personnes autistes

Nous avons mené une enquête pour en savoir plus sur les obstacles et les expériences des personnes autistes sur le lieu de travail. Les difficultés les plus récurrents étaient les suivants :

 

Relations sur le lieu de travail

  • Relations avec les collègues 
  • Des pauses déjeuner et café compliquées
  • Difficultés à travailler en équipe
  • Culture non bienveillante 
  • Brimades
  • Incompréhension des besoins
  • Gestion des émotions

 

 

Modes de communication

  • Consignes peu claire 
  • Mauvaise circulation de l’information
  • Difficultés à comprendre que certaines règles ou normes sont implicites
  • Incompréhension des attentes des supérieurs

 

 

 

Organisation de la charge de travail

  • Organisation du travail
  • Gestion du temps
  • Responsabilités écrasantes
  • Démarches administratives compliquées 
  • Exigences de productivité  
  • Fatigabilité

 

 

Trouver un travail approprié

  • Malentendus sur les compétences et les aspirations
  • Difficultés d’identification des compétences par soi même 
  • Difficultés à mettre en valeur ses compétences lors d’un entretien d’embauche
  • Difficultés à demander un salaire juste

 

Processus et environnement inaccessibles

 

  • Processus de recrutement inadapté
  • Cadre horaire strict
  • Environnement non adapté (open space), trop de bruit et de lumière 
  • Pas assez de mise en place de télétravail

 

Améliorer l’inclusion professionnelle

Bon nombre des défis mentionnés ci-dessus touchent plus largement les personnes concernées par les troubles du neuro-développement. Très souvent, les pratiques inclusives sont utiles à tous et ont un impact positif sur la productivité et le bien-être de l’ensemble des salariés. C’est pourquoi la conception universelle, qui prend en compte un large éventail de styles de travail différents, avec la possibilité d’un soutien spécialisé en cas de besoin, est une approche privilégiée pour rendre le lieu de travail accessible. 

Une personne nous a dit que, pour eux, un travail inclusif, c’est : 

“la compréhension de ses propres aspirations et valeurs, un temps de travail en adéquation avec sa fatigabilité, un environnement adapté à ses particularités sensorielles, une équipe ouverte aux différences. Plus une meilleure information des employeurs sur la réalité des troubles afin de lever la stigmatisation et le frein à l’emploi.”

Il n’est pas forcément coûteux ou compliqué de mettre en place des aménagements sur le lieu de travail pour que chacun puisse travailler au mieux de ses capacités et ressentir un sentiment d’appartenance. Souvent, il s’agit simplement d’écouter et de respecter les besoins des personnes concernées. 

Qu’il s’agisse de fournir un bureau calme, sans lumière fluorescente éblouissante, des logiciels spécialisés ou un accompagnement, il existe de nombreuses façons de s’assurer que les personnes neuroatypiques peuvent travailler au mieux de leurs capacités. Il est dans l’intérêt de tous de fournir les outils dont elles ont besoin pour exploiter leurs compétences et s’épanouir. 

Sensibiliser le monde du travail aux particularités des troubles du neuro-développement par des formations adaptées et nommer des référents, peut contribuer à faire tomber les barrières sociales et la stigmatisation. Cela peut améliorer les relations et la communication avec les collègues et les managers. La sensibilisation peut également aider à donner aux individus la confiance nécessaire pour exprimer leurs besoins ainsi qu’encourager les collègues à demander comment ils peuvent s’adapter pour les soutenir.

L’information et l’accompagnement, au sein des entreprises et pour les demandeurs d’emploi neuroatypiques peut faciliter le parcours d’insertion professionnelle. Le recours à un job coaching spécialisé, qui aide à identifier des bonnes stratégies pour contourner des défis peut être extrêmement utile.

Il est bon de se rappeler que chacun, en situation de handicap ou non, présente des forces, des faiblesses, et des styles de travail différents. Cela nous aide à être plus souples et plus réfléchis lorsque nous travaillons avec les autres. La bienveillance, l’humanité, et l’ouverture d’esprit comptent pour beaucoup.

Quelques dates à retenir

Lundi 15 au dimanche 21 novembre 2021 : La 25e édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) 

Jeudi 18 novembre 2021 : DuoDay© a été créé sur le principe de l’immersion professionnelle pour changer le regard sur le handicap. L’idée est simple, une personne en situation de handicap compose, le temps d’une journée, un duo avec un professionnel pour découvrir son poste, ses missions et son environnement de travail.

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