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Le premier magazine dédié à la neurodiversité

À l’occasion de la sortie du premier numéro de « Zèbres & cie », nous avons rencontrées la directrice de publication et la rédactrice en cheffe pour échanger à propos du magazine :

Céline LIS-RAOUX
Directrice de publication de “Zèbres & cie”, ancienne cheffe de service et journaliste à l’Express, fondatrice de Rose Magazine à destination des femmes atteintes d’un cancer. Il est distribué gratuitement dans les services de cancérologie, sur le modèle de ventes de pages de publicité, mécénat de compétences et dons (Association Roseup). En 2012 elle est élue femme de l’année par France Télévision, RTL et Marie-Claire. En 2017, elle est faite chevalière de l’ordre national du mérite.

Claudine PROUST
Rédactrice en cheffe et journaliste de “Zèbres & cie”, magazine dédié à la neurodiversité, elle est ex-cheffe de la rubrique santé au Parisien-Aujourd’hui, journaliste spécialisée dans les questions d’éducation et de santé ; régulière de : Particulier Santé, Top Santé, Pleine Vie et Rose Magazine. Elle est également l’auteure d’ouvrages de santé et d’éducation.

Couverture du premier numéro du magazine Zèbres & cie : www.zebre-et-compagnie.fr

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer

ce magazine ?

Nous avons créé ce magazine parce que nous sommes mamans d’enfants atypiques. En tant que parents, nous faisons souvent preuve de créativité pour trouver des astuces, et nous voulons partager ces expériences.

Il est essentiel de changer le regard du grand public sur la neurodiversité. La neurodiversité, c’est le vivant. Trop souvent, on essaie de mettre le vivant dans des cases : on entend des jugements comme « c’est un feignant » ou « vous êtes un mauvais parent », alors qu’il est crucial de comprendre que ces cases ne sont pas adaptées.

Les programmes scolaires sont conçus par et pour des neurotypiques, ce qui contribue à reproduire cette norme, comme l’a souligné Bourdieu. Nous ne pourrons pas changer cela uniquement par des lois. Nous voulons savoir comment d’autres parents font face à ces défis.

Chaque association opère souvent dans son propre couloir, avec des parents qui tentent de changer la loi en fonction de leurs propres difficultés. Cela crée des micro-marchés. Pourtant, nous sommes nombreux dans cette communauté, et ensemble, nous pouvons avoir un poids plus important. Si nous sommes suffisamment nombreux pour nous unir, nous pourrons interroger la norme sociale actuelle, qui est souvent déconnectée de la réalité. Si nous parvenons à faire évoluer le territoire de cette norme, nous pourrons véritablement faire avancer les choses.

 

Le titre du magazine a suscité quelques réactions sur les réseaux, le terme « zèbre » étant généralement associé aux personnes à haut potentiel intellectuel, de façon controversée*.
Dès la couverture de votre 1er numéro, vous titrez « HPI, n’en faites pas une maladie » comprenant une interview de Nicolas Gauvrit.

 

Le choix du terme « zèbre » fait-il référence au HPI, pourquoi ce choix ?

Le choix du terme « zèbre » pour notre magazine a effectivement suscité quelques réactions, mais nous l’assumons. Nous ne considérons pas ce terme comme la propriété exclusive d’un groupe particulier. Pour nous, le « zèbre » évoque plus largement la différence et la diversité, ce qui correspond parfaitement à notre vision éditoriale.

Notre décision repose sur plusieurs critères journalistiques et éditoriaux soigneusement réfléchis. « Zèbres & Cie » crée immédiatement un univers visuel positif et accueillant, incarnant un titre sympathique et mémorable. Le zèbre, vivant en troupeau tout en étant unique, symbolise parfaitement la neurodiversité que nous souhaitons mettre en lumière. De plus, l’expression « drôle de zèbre » évoque la différence de manière bienveillante, ajoutant une connotation tendre à notre approche.

Ce choix fait également écho à tout un imaginaire littéraire et culturel autour de la différence, enrichissant ainsi l’univers de notre magazine. Nous recherchions un terme suffisamment général pour englober diverses formes de neurodiversité, sans nous limiter à une condition spécifique, ce qui permet une approche inclusive. Notre objectif est d’offrir des solutions et du soutien, tout en maintenant une tonalité positive, sans alourdir le quotidien des personnes concernées et de leurs familles.

La réception de notre magazine a été globalement très positive, dépassant même nos attentes. Le fait que nous nous soyons retrouvés en rupture de stock après seulement deux semaines témoigne de l’intérêt du public pour cette approche. Cette réponse enthousiaste confirme que notre choix éditorial répond à un véritable besoin dans la communauté, et nous encourage à poursuivre dans cette voie pour les prochains numéros.

 

Quelles neurodiversités explorez-vous ?

Dans notre magazine, nous explorons une large gamme de neurodiversités, en reconnaissant que ces conditions sont souvent interconnectées et peuvent se chevaucher. Voici les principales neurodiversités que nous abordons :

  • Tous les troubles « dys » (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, etc.)
  • Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH)
  • Les Troubles du Spectre Autistique (TSA)
  • Le syndrome de Gilles de la Tourette
  • Le trouble du déficit intellectuel (incluant la trisomie 21)
  • Le Haut Potentiel Intellectuel (HPI), abordé d’un point de vue scientifique

Nous gérons l’équilibre entre les différentes neurodiversités en adoptant une approche transversale qui met en lumière les défis quotidiens communs à plusieurs d’entre elles. Par exemple, les difficultés de socialisation peuvent toucher aussi bien les personnes atteintes de troubles du spectre autistique que celles souffrant de TDAH ou ayant un haut potentiel intellectuel. Au lieu de nous concentrer uniquement sur les spécificités de chaque condition, nous privilégions des solutions pratiques et des stratégies applicables à diverses neurodiversités. Nous abordons des questions pertinentes, comme celle du harcèlement, qui peut affecter plusieurs profils neuroatypiques.

Nous reconnaissons également que les troubles sont souvent croisés, ce qui signifie qu’une personne peut présenter plusieurs neurodiversités simultanément. Cette compréhension nous pousse à adopter une approche inclusive, veillant à ce que chaque numéro aborde un éventail de neurodiversités sans favoriser une condition par rapport aux autres. Nous nous efforçons de fournir un contenu scientifique équilibré, en présentant des informations à jour et validées, tout en évitant les stéréotypes ou les simplifications excessives.

Cette approche nous permet de créer un contenu riche et varié, tout en soulignant l’importance de considérer chaque individu dans sa globalité, au-delà des étiquettes diagnostiques. En mettant l’accent sur la diversité des expériences et des défis rencontrés par les personnes neurodivergentes, nous espérons contribuer à une meilleure compréhension et acceptation de la neurodiversité dans la société.

 

Parmi votre comité de conseil on retrouve le Pr Franck Bellivier, Mme Agnès Buzyn, le Pr Richard Delorme, le Pr Thomas Bourgeron, le Pr Yann Le Strat et M. Adrien Taquet.

Comment travaillez-vous avec ces experts pour garantir la qualité  des informations publiées ?

Notre collaboration avec des experts et des professionnels de santé renommés est essentielle pour garantir la qualité et la précision des informations que nous publions dans notre magazine. Nous travaillons en étroite relation avec ces conseillers médicaux, dont le Pr Franck Bellivier, Mme Agnès Buzyn, le Pr Richard Delorme, le Pr Thomas Bourgeron, le Pr Yann Le Strat et M. Adrien Taquet. Avant chaque publication, nous leur envoyons le chemin de fer du magazine afin qu’ils puissent donner leur avis sur les sujets que nous prévoyons d’aborder.

Après la rédaction des articles, ces experts relisent l’intégralité du contenu du magazine. Cette étape cruciale nous permet de nous assurer que les informations présentées sont exactes, à jour et conformes aux connaissances scientifiques actuelles. Leur expertise dans divers domaines liés aux neurosciences et aux troubles du neurodéveloppement est un atout majeur pour valider la pertinence et la précision de nos articles.

Suite à leurs retours, nous effectuons les ajustements nécessaires pour garantir la qualité optimale de nos publications. Cette approche rigoureuse, impliquant des experts reconnus à chaque étape du processus éditorial, nous permet d’offrir à nos lecteurs un contenu fiable et de haute qualité scientifique. En intégrant les recommandations de ces spécialistes, nous renforçons notre engagement envers une information précise et bien documentée, essentielle pour aborder les enjeux complexes liés à la neurodiversité.

 

Pouvez-vous nous décrire votre processus éditorial ?

Notre processus éditorial pour « Zèbres & Cie » est à la fois rigoureux et flexible, visant à créer un contenu équilibré et pertinent pour notre communauté diverse.

Nous commençons par un brainstorming qui nous permet de constituer une pile d’idées de sujets. Dans cette phase, nous veillons à ce que chaque numéro aborde un éventail de neurodiversités, afin que tout le monde puisse s’y retrouver. Après un premier numéro axé sur les parents, nous cherchons également à élargir notre audience, notamment vers les jeunes adultes.

Pour établir la priorité des sujets à traiter, nous privilégions ceux qui touchent à la vie quotidienne. Par exemple, nous abordons des thèmes comme l’alimentation pour un enfant atteint de TSA ou de TDAH, ainsi que l’organisation des vacances. Nous intégrons systématiquement des « petits tips pratiques » dans chaque numéro pour apporter une valeur ajoutée aux lecteurs. De plus, nous nous assurons d’inclure des témoignages représentant chaque trouble, afin de combattre le sentiment de solitude souvent ressenti par les familles concernées. Nous cherchons également à ouvrir notre magazine sur des loisirs et des aspects culturels, tout en abordant des sujets d’actualité scientifique.
Une fois les sujets identifiés, nous procédons à une validation rigoureuse. Pour chaque thème, nous identifions des personnes ressources à interviewer. Nous autorisons systématiquement les scientifiques à relire leurs citations et les articles qui les concernent. Notre conseil scientifique est également impliqué dans ce processus : nous soumettons les articles scientifiques pour obtenir un regard extérieur et des suggestions de correction, notamment sur la terminologie utilisée.

Cette approche nous permet de maintenir un « temps plus long » dans notre traitement de l’information, en nous éloignant du rythme effréné du quotidien. Nous voulons offrir à nos lecteurs un contenu réfléchi et approfondi, tout en garantissant la qualité et la précision de nos publications.

 

Comment ce magazine s’inscrit-il dans le paysage médiatique actuel et quel impact espérez-vous avoir ?

Notre magazine s’inscrit de manière unique dans le paysage médiatique actuel en tant que premier média dédié spécifiquement à la neurodiversité. Nous nous positionnons comme un trimestriel qui aborde des sujets sociétaux à travers le prisme de la diversité neurologique, offrant ainsi une perspective nouvelle et nécessaire. Les retours que nous avons reçus, notamment lors de réunions avec des partenaires comme Bayard, sont très positifs. Cela nous encourage à poursuivre notre mission d’informer et de sensibiliser.

Notre impact sur la perception et la compréhension de la neurodiversité dans la société se manifeste à plusieurs niveaux. Tout d’abord, notre objectif principal est de contribuer à modifier la perception de la neurodiversité, en la présentant comme une source de diversité et de richesse plutôt que comme un handicap ou un fardeau. Nous cherchons ainsi à remettre en question la catégorisation systématique des personnes neurodivergentes, en les plaçant au centre du discours.

Nous proposons également des contenus fouillés et des sujets longs qui s’inscrivent dans l’actualité, permettant une compréhension approfondie des enjeux liés à la neurodiversité. À travers des portraits inspirants et des reportages variés, nous mettons en lumière les réussites et les contributions des personnes neurodivergentes dans divers domaines. De plus, notre magazine se veut une véritable « boîte à outils » pour les personnes neurodivergentes et leurs familles, offrant des conseils concrets pour améliorer leur qualité de vie.
Bien que le prix soit une contrainte due à notre indépendance et à nos coûts de production, nous nous efforçons de rendre notre contenu accessible au plus grand nombre, que ce soit en kiosque ou en ligne. En choisissant une périodicité trimestrielle, nous nous donnons le temps nécessaire pour produire un contenu de qualité, approfondi et réfléchi.

Cette approche s’inscrit dans une tendance plus large de reconnaissance de la neurodiversité comme une forme essentielle de diversité humaine, comparable à la biodiversité. Bien que notre démarche ne soit pas explicitement militante, notre existence même et notre contenu contribuent à faire évoluer les mentalités et à promouvoir une société plus inclusive et compréhensive envers la neurodiversité.

 

Intégrez-vous les retours critiques des lecteurs ?

Ont-ils une influence sur vos choix éditoriaux ?

Nous accordons une grande importance aux retours et critiques de nos lecteurs, car ils sont essentiels pour améliorer notre magazine et répondre au mieux aux besoins de notre communauté. Notre approche de gestion des retours est proactive et structurée.

Demain, nous organisons une rencontre avec une vingtaine de lecteurs pour écouter attentivement ce qu’ils ont à nous dire. Cette démarche s’inscrit dans notre volonté de maintenir un dialogue ouvert et constructif avec notre public. Jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu de retour négatif sur le contenu, ce qui est encourageant.

Les commentaires que nous avons reçus mettent en lumière l’importance de notre approche centrée sur la diversité. Cette notion semble rassurer nos lecteurs, qui apprécient de se voir représentés sous un angle différent de celui du handicap traditionnellement associé aux troubles du neurodéveloppement.

Notre objectif est de créer un magazine qui reflète véritablement les expériences et les besoins de notre communauté neurodivergente. Les retours des lecteurs sont donc un outil précieux pour nous guider dans cette mission et pour continuer à améliorer « Zèbres & Cie » numéro après numéro.

Leur engagement illustre parfaitement comment l’expertise des personnes concernées peut être mise au service de la communauté, créant ainsi des ponts entre la recherche, les professionnels de santé et le grand public. Leur magazine s’ajoute aux efforts collectifs pour promouvoir une société plus inclusive envers la neurodiversité.

Nous leur souhaitons un bon lancement et attendons le numéro 2 avec impatience !

 

 

* Rappelons que le terme “zèbre” a été largement utilisé par la psychologue Jeanne Siaud-Facchin, qui a proposé ce terme dans son livre « Trop intelligent pour être heureux ? » paru en 2008. Ce terme a été beaucoup critiqué pour les raisons suivantes : il a été abusivement utilisé pour mettre en avant les “difficultés” que rencontreraient les personnes avec un HPI (à tort), certains estiment qu’il tend à romantiser excessivement le profil HPI, d’autres qu’il contribue à une forme d’élitisme ou de séparatisme.

Interview d'une ergothérapeute pour le TDAH

Ergothérapeute depuis 25 ans, Nathalie DESNAUTE s’est peu à peu spécialisée dans l’accompagnement des adultes ayant des troubles du neurodéveloppement (voir son site). Découvrez son interview :

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier , et dans quel contexte les professionnels peuvent ils faire appel à vous ?

N.D. : Le métier d’ergothérapeute est axé sur le lien entre activité et santé. L’objectif de l’ergothérapie est de permettre aux personnes d’accomplir les activités quotidiennes qui sont importantes pour elles. Cela concerne autant les activités qui permettent de prendre soin de soi et des autres, que les activités scolaires et professionnelles, ainsi que toutes les activités dans lesquelles chacun se réalise et s’intègre socialement.

Les ergothérapeutes proposent des approches collaboratives. Ils co-construisent les moyens d’action avec les personnes accompagnées, en partenariat avec leur entourage et les intervenants autour de leur situation.

Nous intervenons à 3 niveaux : 

  • Au niveau de la personne en visant la récupération optimale des capacités cognitives, psychiques, motrices ;
  • Au niveau de l’environnement psychosocial et architectural en agissant sur les éléments qui peuvent faire obstacle ou au contraire faire levier et favoriser l’autonomie ;
  • Au niveau des caractéristiques de l’activité qui vont influencer son accomplissement (organisation dans le temps, choix des gestes…).

Les contextes d’adressage sont très variés. Ils concernent des personnes de tout âge en difficulté d’autonomie sociale et fonctionnelle ou à risque de développer des difficultés d’autonomie comme dans un contexte d’avancée en âge ou de pathologie évolutive.

Qu’est-ce qui vous a menée vers l’accompagnement des adultes avec des troubles du neurodéveloppement ?

N.D. : En cabinet libéral, j’ai toujours eu une forte demande concernant l’accompagnement d’enfants avec des troubles neurodéveloppementaux. Dans le cadre de ces soins, la guidance parentale a une importance fondamentale. Et les parents des jeunes avec TDAH (Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité), peuvent présenter eux aussi ce trouble, ils sont alors aux prises avec leurs propres difficultés de fonctionnement. Il est primordial d’avoir une bonne connaissance de l’impact du TDAH chez les adultes pour accompagner ces parents. J’ai commencé alors à m’intéresser au TDAH et à l’accompagnement des adultes pour qui l’offre de soin est limitée. Je prends tellement de plaisir à travailler avec ce public que j’ai décidé de me spécialiser.

Quelle approche adoptez-vous pour soutenir les troubles organisationnels ?

N.D. : J’ai eu la chance d’être formée à l’approche OPC (voir l’encadré ci-dessous) qui a complètement modifié ma pratique. J’ai été tellement enthousiasmée par cette approche que j’ai participé à un temps de supervision puis à une formation avancée donnée par la Docteure Fiona GRAHAM qui est à l’origine d’OPC.

OPC n’a pas été spécifiquement développé pour les adultes avec un TDAH, mais elle s’appuie sur les techniques de coaching qui vont faciliter l’engagement des personnes et donc l’atteinte de leurs objectifs. Depuis que je pratique cette approche pour accompagner les adultes avec un TDAH, je vois à quel point elle est pertinente. C’est une modalité d’intervention qui nourrit le sentiment de compétence et qui impacte positivement le fonctionnement quotidien.

OPC : Occupational Performance Coaching ou Coaching en Performance Occupationnelle, est une approche basée sur des données probantes, développée par la Docteure Fiona GRAHAM, la Professeure Sylvia RODGER et la Professeure Jenny ZIVIANI et basée sur les recherches de la Docteure Fiona GRAHAM à l’Université de Queensland en Australie.
Elle est fondée sur les sciences de l’occupation dont l’objectif est de comprendre comment les occupations (toutes les activités et les tâches quotidiennes) façonnent l’identité des individus, favorisent leur participation dans la société et influencent leur santé. Les concepts issus des sciences de l’occupation sont les fondements de l’ergothérapie moderne, telle qu’elle se pratique aujourd’hui tout autour du globe.
Le concept central est la participation occupationnelle, c’est-à-dire l’engagement actif d’une personne dans les activités significatives ou nécessaires qui sont essentielles à son bien-être et à son identité (activités de soins personnels, productives, ressourçantes, qui favorisent les interactions sociales…). Le concept de participation occupationnelle ne se limite pas à l’exécution de la tâche, cela englobe aussi le sentiment de contrôle, de compétence, de plaisir et d’engagement émotionnel ressenti par la personne.
La performance occupationnelle est la capacité d’une personne à accomplir les activités ou les tâches qu’elle souhaite avec efficacité et de manière satisfaisante.
Ces 2 concepts sont interconnectés : une bonne performance permet une participation enrichissante et une participation engagée soutient la performance à long terme.
L’OPC une approche centrée sur la personne, qui vise à soutenir l’identification de ses objectifs et la mise en pratique de changements qui vont favoriser la performance occupationnelle au quotidien. L’accompagnement est proposé sous la forme d’entretiens, c’est une approche particulièrement bien adaptée au télésoin.
La discussion et la réflexion sont orientées sur les objectifs et non sur les difficultés. C’est une approche qui met en valeur les compétences et encourage la confiance en soi afin que la personne puisse gérer les situations actuelles et futures de façon autonome.
OPC est basée sur 3 piliers :

  • La connexion avec la personne accompagnée avec mise en place d’un partenariat dans la réflexion ;
  • La structure qui permet l’analyse collaborative de la performance et la définition d’objectifs clairs et signifiants pour la personne ;
  • Le partage qui replace la personne en position d’experte de sa propre situation.

Il n’est pas nécessaire que le thérapeute ait une très bonne connaissance de la situation ou de la personne, en revanche il est nécessaire que la personne comprenne son propre fonctionnement et ses propres besoins pour trouver ses solutions sur mesure. C’est ce processus que l’OPC propose.

À ce jour, il n’existe pas de formation spécifique pour accompagner les troubles organisationnels de l’adulte. Quelles formations recommanderiez-vous aux ergothérapeutes et aspirants ?

N.D. : L’approche OPC est très intéressante, j’encourage mes collègues à se former aussi.
Il existe une autre approche en ergothérapie pour accompagner les adultes avec TDAH, il s’agit de Cog-Fun.

Cog-Fun est une approche fonctionnelle cognitive conçue pour les personnes avec TDAH et pratiquée par des ergothérapeutes certifiés. Elle est basée sur des données probantes issues de la recherche du laboratoire de réadaptation neurocognitive de l’Université de Jérusalem en Israël.
Son objectif est d’aider les personnes à gérer les conséquences fonctionnelles du TDAH dans leurs activités quotidiennes à long terme. Elle se base sur l’amélioration des connaissances sur les symptômes et leurs retentissements fonctionnels, l’acquisition de stratégies d’adaptation personnalisées, la régulation dans la mise en pratique des stratégies dans la vie quotidienne.

L’approche « adultes » est actuellement (2024) en cours de traduction et sera proposée en formation continue pour les ergothérapeutes en France dans les prochaines années.

Il existe plusieurs diplômes universitaires spécifiques au TDAH : tdah-france.fr/TDAH-les-offres-de-formation-professionnelle-sur-le-TDAH.html
En tant que soignant, il est nécessaire d’être bien formé et d’améliorer ses connaissances en continu, pour appréhender les dimensions multiples de ce trouble.
Il me semble indispensable que les étudiants en ergothérapie soient mieux sensibilisés sur le sujet. Je pense rapidement proposer des actions dans ce sens au sein des instituts de formation en ergothérapie et pourquoi pas une formation pour les ergothérapeutes cliniciens et/ou pour un public plus large.

 

Avez-vous des ressources à recommander pour les professionnels (ergothérapeute ou autre), et/ou les personnes concernées ?

N.D. : Il existe des ressources scientifiques, qu’il faut souvent aller chercher à l’international.
Certains professionnels consacrent leur activité à enrichir les connaissances de chacun, notamment Sébastien HENRARD, psychologue spécialisé en neuropsychologie.
Certains sites sont destinés au grand public mais orientent vers des ressources plus spécialisées pour les professionnels comme tdah-france.fr et tdah-age-adulte.fr.

Retrouvez l’interview plus axée TDAH sur le site TDAH Âge Adulte →

8e colloque international sur le TDAH

Le 8e Colloque International en Langue Française sur le TDAH a réuni des professionnels et professionnelles de pays francophones de différentes spécialités pour explorer les différentes dimensions de ce trouble de l’enfance à l’adulte, allant de la génétique, la neurobiologie aux facteurs psychologiques, familiaux et sociétaux.

Le Trouble Déficit d’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) représente un enjeu majeur pour la santé publique en raison de sa prévalence élevée et de son impact de plus en plus important sur la qualité de vie des personnes concernées et de leur entourage.

Résumés des conférences

Des synthèses des conférences suivies durant l’événement ont été produites par iMIND. 
Retrouvez les résumés ci-dessous (nous ajoutons également des liens vers les résumés de Stephanie Booth qui nous a donné son accord) : 

Retrouvez ci-dessous les résumés de Stéphanie Booth (qui nous a donné son accord), des conférences auxquelles nous n’avons pas pu assister : 

Edit 13 octobre 2024 : retrouvez aussi les résumés de Mickaël Nardi (qui nous a donné son accord), notamment sur le TDAH et trouble de la personnalité narcissique (TPN) :

Informations supplémentaires

Date : 26 au 27 septembre 2024
Lieu : CICG – Centre International de Conférences Genève, rue de Varembé 17 – 1202 Genève
Site de l’événement : www.tdah2024.org

Par Lucile Hertzog le 04/07/2024

Interview du Pr Pierre-Michel Llorca, président du comité scientifique des JNPN 2024

Le Pr Pierre-Michel Llorca est psychiatre et professeur des universités, exerçant au Centre Hospitalier Universitaire de Clermont-Ferrand. Spécialiste des troubles de l’humeur, il est une référence dans ce domaine.

Auteur de nombreuses publications scientifiques et reconnu pour son expertise, le Pr Llorca apporte une contribution majeure à l’avancée des connaissances et des pratiques cliniques dans la prise en charge des troubles psychiques. 

 

iIl est le président du comité scientifique des Journées Neurosciences Psychiatrie et Neurologie (JNPN). C’est dans ce cadre que nous l’avons interrogé.

Pr Pierre-Michel Llorca, JNPN

Quels sont les enjeux auxquels sont confrontés les domaines de la psychiatrie et de la neurologie aujourd’hui, et comment les JNPN tentent-elles d’y répondre ?

Aujourd’hui, nous travaillons en silo sur des pathologies très intriquées, comme les troubles neurologiques et les troubles psychiatriques. Cela altère la qualité de ce que l’on fait. Nous devenons spécialisés sur des sujets très précis, mais nous manquons de recul. Cela rend plus difficile le travail du point de vue purement clinique, de la recherche, et de la compréhension des troubles et des stratégies thérapeutiques en place.

Un des enjeux majeurs de la médecine, en tant que domaine hyperspécialisé, est de reconstruire une culture commune dans laquelle les neurosciences sont un véritable pont entre ces domaines cliniques qui ont longtemps été réunis.

Quel est l’intérêt d’une alliance entre psychiatrie et neurologie dans un contexte écologique et géopolitique de plus en plus tendu ?

La constatation c’est que le contexte écologique et géopolitique a des conséquences sur la santé mentale. Lorsque l’on pense par exemple aux liens bien connus entre l’alimentation, l’exposition environnementale (comme les pesticides), et certaines maladies neurologiques, tous ces éléments rendent indispensable l’amélioration de nos interactions entre les différentes disciplines. 

Nous avons un réel besoin de nous préoccuper de l’identification des rôles de l’environnement dans les troubles psychiatriques et neurologiques, mais aussi dans des stratégies de prévention. Aux JNPN, vous rencontrerez au-delà des psychiatres et des neurologues, des professionnels de la santé publique, mais aussi des sciences humaines. Les chercheurs de ces domaines contribuent à la meilleure compréhension des risques.

Que pensez-vous du décalage existant entre la recherche aux Etats-Unis et en Europe, notamment dans leur approche dimensionnelle ou catégorielle ?

C’est une question importante… Je ne suis pas certain qu’il y ait une avance ou un retard, mais je suis conscient de l’existence d’un décalage. Il a un intérêt puisque aujourd’hui, nous parvenons à avoir en France le développement de programmes moins dogmatiques que ce qui a été fait aux Etats-Unis il y a une dizaine d’années, avec les RDoC pour appréhender l’articulation dimension-catégorie, en créant une matrice basée sur des construits psychologiques et leur niveau d’étude allant du gène au comportement.

Peut-être que cela a été un bon moyen de prendre un peu de recul par rapport aux classifications “classiques” (ICD ou DSM). Saura-t-on bénéficier de ce recul pour ne pas faire les mêmes erreurs ? Je ne sais pas. On peut s’y employer, mais je ne suis pas sûr que l’on arrive à dépasser la rigidité de nos modalités de réflexion. 

Le côté dogmatique des RDoC vient de l’ambition initiale de remplacer les classifications catégorielles, mais en réalité c’est plutôt une matrice qui permet la réflexion surtout de caractériser les projets de recherche, ce qui n’est pas la même chose. Le côté extrêmement rigide de cette matrice fait que tous les troubles ou tous les projets de recherche ne peuvent pas “passer à la moulinette” des Rdoc. Cela a servi aux Etats-Unis à structurer les financements des projets de recherche. Et ça, c’est un problème très américain qui n’est pas le nôtre.

Quelles sont les avancées scientifiques récentes les plus prometteuses en psychiatrie et en neurologie ?

En psychiatrie, les avancées sur l’utilisation des psychédéliques par exemple, sont assez intéressantes d’un point de vue sociologique, puisque l’on est passé de drogues récréatives pour “ouvrir l’esprit” qui étaient bannies du champ de la recherche, à des outils majeurs de l’innovation pharmacologique. Cela permet de réelles innovations, mais pose un certain nombre de problèmes de mise en œuvre. Cette évolution que je trouve très prometteuse, issue d’un long chemin assez intéressant, permettra, je l’espère, des bénéfices  pour les patients à court terme.

En neurologie, je retiens deux choses.

D’une part, la conférence du Pr Duffaut sur la neurochirurgie éveillée, et la manière de prendre en compte la connectomique comme un outil de préservation fonctionnelle dans des pathologies neuro-oncologiques sévères. C’est tout à fait remarquable et cela reste peu connu. L’enjeu est que cela devienne accessible au plus grand nombre.
D’autre part, tout ce qui a été évoqué sur les perspectives concernant la maladie d’Alzheimer, avec notamment des nouvelles stratégies thérapeutiques. Elles ne stoppent pas l’évolution de cette maladie dégénérative, mais il y a des enjeux fonctionnels majeurs pour les patients, après de nombreuses promesses non abouties dans ce champ de recherche.

Au cours des JNPN, de nombreuses pistes de recherche ont été présentées, sur de nombreux sujets. Je viens d’évoquer les résultats qui sont à court terme, potentiellement d’intérêt pour les patients. Mais il y a beaucoup, beaucoup de choses qui, dans deux ans, cinq ans, dix ans, seront probablement des outils de demain.

Quelle place occupe la prévention dans les réflexions menées lors des JNPN, que ce soit en termes de facteurs de risque ou de dépistage précoce ?

Dans l’aspect santé publique, nous avons eu une session spécifique sur un concept développé aux Etats-Unis. Il a un enjeu réel concernant la santé des soignants : c’est la notion de “blessure morale” (moral injury). Elle permet de ne pas résumer les difficultés des soignants au “simple burn-out” en ne mettant pas l’accent sur la vulnérabilité individuelle des soignants, mais plutôt sur le rôle de pratiques systémiques soignantes entraînant des conflits de valeurs chez les professionnels, et une souffrance du fait de ces conflits. C’est probablement une des causes de la désaffection des soignants. Identifier des causes à de telles situations de santé publique, cela permettrait de développer des stratégies préventives. L’idée est de pouvoir se saisir de ces enjeux pour essayer de promouvoir cela en Europe, et de mesurer sa pertinence. Cela pourrait-il nous permettre des changements qui auront une action préventive ? Il ne s’agit plus de se centrer sur les soignants uniquement. Cela concerne tout de même la désaffection des professionnels pour les métiers du soin, et c’est une vraie question dans une telle société.

Quels sont les défis spécifiques liés à la prise en charge des troubles psychiatriques résistants aux traitements conventionnels ?

La prise en charge spécifique, c’est à mon avis l’un des enjeux immédiats. Le principal problème de la résistance, passe par une amélioration de l’identification et des pratiques qui permettent de les éviter. C’est un premier enjeu de modification des pratiques. 

Le deuxième enjeu : l’exploration physiopathologique de ces patients résistants sont des outils qui sont des situations à fort enjeu, pour trouver des stratégies pertinentes pour ses patients. À l’heure actuelle, cela se fait souvent de manière incrémentale, en modifiant des traitements, en les associant avec des petits progrès, mais qui sont non négligeables. Et de l’autre côté, c’est la compréhension physiopathie des troubles en eux-mêmes et la modification des stratégies.

Nous remercions chaleureusement le Pr Pierre-Michel Llorca de nous avoir accordé de son temps.

Retrouvez le résumé d’une partie des conférences sur notre compte LinkedIn  ainsi que le replay de la journée :

 

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L’impact du TDAH dans les relations sociales

Présentation

Ce webinaire vous présentera les défis rencontrés par les personnes avec un TDAH dans les habiletés sociales d’après la littérature scientifique et abordera également des thérapies et stratégies éprouvées pour améliorer les compétences sociales et la qualité de vie.

Pour illustrer le sujet, une personne concernée témoignera de son quotidien, ses défis et les moyens mis en œuvre pour les surmonter.

Rejoignez-nous pour ce webinaire qui promet d’être passionnant afin de construire des réponses participatives et efficaces pour soutenir les personnes concernées.

Intervenants

  • Pauline BEDE, personne concernée, instructrice MBSR spécialisée dans le TDAH
  • Pierre OSWALD, psychiatre, Md, PhD, médecin-chef au CH Jean Titeca de Bruxelles en Belgique – Maître de conférence à l’Université de Bruxelles pour la faculté des sciences de la motricité – Chargé de cours à la faculté de psychologie et sciences de l’éducation de l’UMONS